Notre proposition de Task Force humanitaire et civile en Une de L’Orient Le jour.
Notre proposition de Task Force humanitaire et civile en Une de L’Orient Le jour.
Éditorial de Michel Touma.La dimension nationale de l’humanitaire
OLJ / Par Michel TOUMA, le 27 juillet 2021 à 00h00.
Il ne s’agit là, à ce stade, que d’une recommandation. Mais elle revêt pour la population libanaise, dans le contexte présent, une importance primordiale. Dans le cadre d’un rapport exhaustif sur la situation au Moyen-Orient, élaboré par les députés français Gwendal Rouillard et Philippe Meyer au terme de missions d’information qui ont englobé la France et plusieurs pays de la région – dont le Liban –, la commission française de la Défense nationale et des Forces armées a recommandé, entre autres, l’envoi au Liban d’une « task force » internationale « civile et humanitaire, sous l’égide des Nations unies et de la Banque mondiale ». Objectif : apporter une aide d’urgence à la population dans les domaines médical, pharmaceutique, scolaire, universitaire, ainsi que de l’approvisionnement en produits alimentaires, eau, électricité, etc.
La proposition transmise officiellement aux hautes autorités françaises revêt certes une dimension essentiellement humanitaire, mais en deuxième analyse sa portée dépasse ce volet – fondamental – et touche in fine à la vocation même du Liban dans cette partie du monde. Sauver de l’effondrement total le secteur hospitalier, les écoles (privées), les universités, revient à sauvegarder ce qui a constitué au fil des ans, depuis des lustres, la particularité et la raison d’être du pays du Cèdre. Parallèlement à l’économie libérale, au tourisme, au secteur bancaire florissant, ce sont en effet l’école, l’université et l’hôpital – réputés pour leurs services de haut niveau – qui ont été de tout temps à la base de la spécificité libanaise. Or ce sont précisément ces mêmes secteurs qui ont été frappés, tous, de plein fouet par la crise l’un après l’autre, de manière systématique et vraisemblablement intentionnelle dans le but de changer profondément le visage du Liban, sa spécificité et son identité. Sauver ces différents secteurs, leur donner les moyens de se redresser et de remonter la pente, revient par ricochet à préserver le particularisme du Liban, son rôle de pays-message, son pluralisme socioculturel et son ouverture sur le monde extérieur.
Il s’agit là d’un passage obligé, d’une condition nécessaire mais pas suffisante, pour sauver le Liban et ce qu’il a toujours représenté. Le rapport de la commission française de la Défense relève sur ce plan que la France prône « une politique de soutien à la souveraineté, à la stabilité du Liban, qui passe par l’appui au déploiement de l’État libanais et son armée ». En langage moins diplomatique, cela implique de mettre un terme au rôle régional du Hezbollah en tant qu’instrument privilégié de la politique expansionniste des pasdaran iraniens. Le rapport français relève d’ailleurs dans un autre passage plus explicite que la politique de dissociation du Liban (des conflits régionaux), adoptée par la déclaration de Baabda de 2012, « est foulée aux pieds par l’engagement militaire du Hezbollah en Syrie et, de manière plus discrète, en Irak et au Yémen ».
C’est précisément sur ce dernier point que la France pourrait être d’un très grand secours au Liban – à la population libanaise – en faisant preuve d’une grande vigilance dans les tractations en cours entre l’Iran et les États-Unis, afin qu’un éventuel « marché » qui serait négocié dans ce cadre ne se fasse pas au détriment de la souveraineté libanaise et, surtout, du pluralisme socioculturel et communautaire du pays du Cèdre. Porter atteinte à ce pluralisme, à l’ombre du rapport de force actuel, reviendrait à accentuer encore davantage le foyer de tension et d’instabilité dans le pays, ce qui ne manquerait pas d’avoir pour retombées une possible relance du terrorisme dont la France n’est généralement pas épargnée.
Il reste que le soutien que Paris pourrait assurer aux Libanais dans ce contexte devrait impérativement être accompagné d’un indispensable build-up souverainiste au plan interne afin d’obtenir le statut de neutralité réclamé sans relâche par le patriarche maronite Béchara Raï. Face à la stature régionale de grande envergure dont bénéficie le Hezbollah, la dissociation vis-à-vis des guerres et conflits de la région ne peut se frayer un chemin, avec un appui international tel que celui de la France, que par le biais d’un très vaste rassemblement populaire souverainiste, doublé d’une mobilisation politique, similaire à ce que le pays a connu en 2005 – afin que l’emprise iranienne au Liban ne soit pas consacrée à l’occasion d’un quelconque marché irano-américain.
Devant l’enjeu historique et existentiel auquel le pays est aujourd’hui confronté, les petits calculs partisans, électoraux et égocentriques ont irrémédiablement pour conséquence de consolider encore davantage l’emprise iranienne. Dans un contexte de confrontation totale engageant le sort du pays et son identité, tout comportement qui entraverait le rassemblement fédérateur de l’ensemble des factions souverainistes ne peut paraître que foncièrement suspect.