La neutralité à l’autrichienne au menu d’une table ronde au musée Moawad
Comment
en finir avec le Liban théâtre de confrontations extérieures et adopter
une doctrine diplomatique officielle fondée sur la neutralité dans le
cadre de la Ligue arabe ? Tel était le sujet au menu d’une table ronde
organisée à la veille de la visite au Liban du pape Léon XIV, au musée
Robert Moawad, à Zokak el-Blat.
Ce
débat, initié en préparation à la sortie du second volume de l’ouvrage
intitulé Neutralité du Liban et des Libanais et fermeture des théâtres
de confrontation, s’inscrivait dans le cadre d’un cycle de conférences
tenu ces dernières années en collaboration avec l’ambassade d’Autriche à
Beyrouth.
La
table ronde était dirigée par l’ancien ministre Michel Pharaon,
initiateur du projet aux côtés du professeur Antoine Messarra, éminent
juriste et ex-membre du Conseil constitutionnel.
Le
choix du lieu tenait du symbole. Les participants se sont retrouvés
autour de la table de ce qui fut la salle à manger du palais Pharaon,
riche et emblématique demeure patricienne qui a appartenu à l’un des
hommes de l’indépendance du Liban, Henri Pharaon, proche parent de
Michel, et qui a été cédée après la fin de la guerre civile (1975-1990) à
la famille du joailler Robert Moawad. Les invités pouvaient d’ailleurs
observer dans la pièce l’esquisse, dessinée par Henri Pharaon lui-même,
de ce qui allait devenir le drapeau libanais et qui, déjà, était inspiré
du pavillon autrichien, avec les deux bandes rouges encadrant l’espace
central blanc.
Des
personnalités politiques de toutes confessions, ayant occupé des postes
de premier plan, étaient présents, aux côtés de représentants du monde
universitaire et de la presse, ainsi que de l’ambassadrice d’Autriche,
Franziska Honsowitz-
Friessnigg.
Parmi eux, l’ancien président Michel Sleiman, dont le point d’orgue du
sexennat (2008-2014) fut la fameuse déclaration de Baabda, jalon
important sur le chemin qui pourrait un jour mener à la neutralité du
Liban. M. Sleiman est revenu sur la genèse de cette déclaration adoptée
en juin 2012, au moment où la Syrie achevait de sombrer dans une féroce
guerre civile. À l’époque, le Hezbollah, qui participait au dialogue
organisé au palais de Baabda en vue d’un accord sur une politique de
distanciation à l’égard du conflit syrien, s’était empressé d’adhérer à
la déclaration de Baabda. Il faut dire que son implication en Syrie
était encore balbutiante et qu’il s’agissait surtout pour lui de freiner
les départs vers le pays voisin de nombreux jeunes sunnites libanais,
notamment de Tripoli et du Nord, pour aider l’opposition syrienne au
régime de Bachar el-Assad. Mais à peine deux mois plus tard, ce contexte
a brusquement changé avec la décision de l’Iran de s’impliquer
massivement (et donc d’impliquer le Hezbollah) dans le conflit syrien.
La déclaration de Baabda ne convenant plus à la milice chiite, celle-ci
s’est dédit et a renié sa signature. On se souvient qu’à cette occasion,
le patron des députés du Hezb, Mohammad Raad, avait fait usage d’une
fameuse expression libanaise plutôt méprisante à propos du texte de la
déclaration : « Pressez-le et buvez son jus »…
Outre
M. Sleiman, on notait la présence au débat de l’ancien Premier ministre
Tammam Salam et des ex-ministres Khaled Kabbani, représentant l’ancien
chef de gouvernement Fouad Siniora, et Ibrahim Chamseddine, opposant
notoire au Hezbollah, fils de l’imam Mohammad Mehdi Chamseddine, qui fut
président du Conseil supérieur chiite.
Des
représentants du président Joseph Aoun et du Premier ministre Nawaf
Salam étaient également présents, ainsi que le professeur Daoud Sayegh,
éminent spécialiste des questions religieuses et ancien conseiller de
Rafic et Saad Hariri, notamment pour les relations avec Bkerké.
Si,
dans l’ensemble, les avis étaient convergents en vue d’instaurer une
forme de neutralité, des divergences sont apparues sur certains points
de détail, comme par exemple la pertinence du modèle autrichien, qui fut
imposé de l’extérieur à la suite d’un accord entre les Occidentaux et
l’URSS dans les années cinquante du siècle dernier ; ou encore sur celle
d’inscrire ou pas la neutralité dans la Constitution, comme l’a suggéré
il y a quelques semaines le chef des Kataëb, Samy Gemayel